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Prêt en devises

Prêt en devises : prescription de l’action contre la banque qui manque à son devoir d’information

L’action en responsabilité contre la banque qui manque à son devoir d’information quant au prêt en devise étrangère qu’elle octroie se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’emprunteur a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences de ce manquement.

Une banque consent à un couple deux prêts immobiliers «?in fine?» (c’est-à-dire remboursables en une seule échéance) libellés en francs suisses et remboursables en euros. Quelques années plus tard, les emprunteurs agissent en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir d’information.

Une cour d’appel déclare l’action des emprunteurs prescrite, car introduite plus de cinq ans après la conclusion des prêts. Pour les juges du fond, le point de départ du délai de prescription devait en effet être fixé à cette date dès lors que les emprunteurs n’établissaient pas qu’ils avaient pu légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des contrats?; la cour relève par ailleurs que les conséquences de la dégradation de la parité entre le franc suisse et l’euro s’était nécessairement manifestées il y avait de nombreuses années, une dégradation significative de cette parité ayant été constatée cinq ans avant l’action des emprunteurs.

La Cour de cassation censure la décision aux motifs suivants : l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information portant sur le fonctionnement concret de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement (C. civ. art. 2224 et C. com. art. L 110-4)?; les emprunteurs n’avaient pas pu connaître l’existence du dommage résultant d’un manquement de la banque à son devoir d’information à la date de la conclusion des prêts?; les juges auraient donc dû vérifier la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières.

À noter

1°) En application d’une jurisprudence récente et abondante, une banque qui consent un prêt en devise étrangère et remboursable en euros doit informer l’emprunteur des conséquences économiques et des risques encourus et ne pas se contenter d’expliquer les caractéristiques du prêt (Cass. 1e civ. 30-3-2022 no 19-17.996 ; Cass. 1e civ. 20-4-2022 nos 19-11.599 et 19-11.600?; Cass. 1e civ. 7-9-2022 no 20-20.826). À défaut, sa responsabilité peut être engagée.

 

Dans l’arrêt commenté ainsi que dans une autre décision du même jour (Cass. 1e civ. 28-6-2023 no 22-13.969, rendue à propos d’un prêt remboursable selon un échéancier), la Haute Juridiction précise, pour la première fois à notre connaissance, que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contre la banque qui accorde un prêt en devise étrangère se situe au jour où les conséquences de ce manquement (notamment celles liées au risque de change) se révèlent à l’emprunteur.

2°) L’action en responsabilité contre une banque qui manque à son devoir de mise en garde doit être engagée dans les cinq ans non pas de la conclusion du prêt, mais de la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (dernièrement, Cass. com. 25-1-2023 no 20-12.811 et Cass. com. 5-4-2023 no 21-19.550).

Cass. 1e civ. 28-6-2023 n° 21-24.720

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